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La dépendance affective, un vrai trouble

Dernière mise à jour : 18 févr. 2023



Selon le pédopsychiatre Philippe Jeammet, "la dépendance est une propriété du vivant", donc inhérente à la vie de tout être humain. Nous sommes des êtres interdépendants qui nous nous nourrissons de la relation à l'autre.


L'attachement, un besoin vital


La théorie de l'attachement témoigne d'un regain d'intérêt dans de nombreux secteurs comme les neurosciences, la psychologie, la protection de l'enfance. Dès le milieu du XXe siècle, le psychiatre John Bowlby, fondateur de cette théorie, a étudié le comportement d'orphelins en Europe et aux Etats-Unis, et a rendu ses conclusions auprès de l'OMS : il est vital pour le tout-petit et l'enfant d’être écouté, compris et soutenu, « besoin actif la vie durant ».


Un besoin actif, la vie durant


L'enfant que nous avons été ne meurt pas pour devenir adulte. Notre construction à travers nos expériences explique nos modes de fonctionnements. Et comme le rappelle John Bowlby, le besoin d'attachement et de sécurité est normal et fondamental chez l'être humain. L'indépendance n'existe pas.

Lorsque l'enfant se construit au contact de parents protecteurs, aimants et répondant à ses besoins, ce dernier aura, adulte, peu de problèmes relationnels. En revanche, lorsqu'il y a une absence de réponse ou une réponse non adaptée d'un parent face à un besoin exprimé par l'enfant, ou qu'il y a eu une rupture du lien affectif, un trouble de l'attachement peut se créer dont la dépendance affective.


IMPORTANT : ce qui crée le trouble, c'est le manque d'amour ou d'attention ressenti par le bébé ou l'enfant à un instant T ou dans la durée. On peut être dépendant affectif et avoir eu des parents aimants et protecteurs.



Croire que c'est l'autre qui remplit notre besoin d'amour et nous rend heureux


La dépendance affective se met en place à l'instant où l'enfant intègre, par un style d'attachement, qu'il ne mérite pas d'être aimé ou qu'il ne mérite pas d'exister. Cela a pour conséquence un sentiment immense de vide intérieur qu'il cherchera à combler à travers ses relations à l'autre, dans un ou plusieurs domaines de sa vie : famille, couple, amis, travail.


Ne se sentant pas "aimable" ou digne d'exister, le dépendant affectif adopte une stratégie inconsciente d'adaptation, qui est de vivre à travers le regard de l'autre pour se sentir aimé et/ou existé : il n'affirme pas sa personnalité pour ne pas se différencier et prendre le risque d'être rejeté. Il est prêt à être quelqu'un d'autre en adaptant ses goûts, ses besoins, ses envies, ses centres d'intérêt, ses opinions. Il est important de noter que ce mécanisme est inconscient : le dépendant affectif est sincère dans ses intentions, et généreux. Il cherche à être le plus "aimable" possible. Mais au plus profond de lui-même, il perd toute spontanéité humaine, son élan vital s'étiole en silence, sans qu'il mette de mots dessus, sa manière d'être ou d'agir étant indécelable de l'intérieur.


Indécelable de l'intérieur


Il y a quelques années, si vous m'aviez demandé de définir mes besoins propres, voici ce que je vous aurais répondu : voir mes amis, passer des moments privilégiés en famille, être utile aux autres, leur faire plaisir, être entourée, travailler en équipe dans une très bonne ambiance de travail, ...

Il est impossible pour un dépendant affectif de reconnaître des besoins et désirs profonds qui ne dépendent pas des autres. Ceux qu'il prend pour "siens" trouvent leur source dans la relation à l'autre. Toute son énergie est centrée sur l'autre et déployée dans la recherche de réassurance, d'amour et de soutien.

La dépendance affective est sournoise car la personne qui en souffre s'arrange pour être constamment entourée. Tant qu'elle l'est, elle dit en substance qu'elle est heureuse. Bonheur fragile qui dépend des autres, et qui crée dans l'ombre, un mal-être et une insécurité profonde.


Une insécurité profonde


Souvent le dépendant affectif ressent une angoisse inexpliquée (boule au ventre incessante, crises de panique, phobies), un manque de confiance extrême, une faible estime d'elle-même, et/ou un besoin de contrôle. Il peut nier son mal-être, éviter une thérapie, de peur de briser ce qu'il s'est construit et qu'on le sépare des autres en favorisant la différenciation et l'affirmation de soi. C'est la peur viscérale d'être rejeté ou abandonné qui habite son cœur, dicte ses actes, hante ses nuits, s'installe en maître...

L'angoisse est due à la perte d'une identité véritable. Si j'attends un message dont dépend mon bonheur ou mon désespoir, je suis comme rejeté dans le néant. Tant que l'incertitude me tient en suspens, mes sentiments et mes attitudes ne sont plus qu'un déguisement provisoire. ANTOINE DE SAINT-EXUPERY

Certains dépendants affectifs ont horreur de la solitude et l'évite, d'autres y parviennent ou la recherchent, car s'adapter à l'autre est épuisant. Se retrouver seul lui permet inconsciemment d'être pleinement lui-même. Ce n'est pas tant le fait d'être seul qui est redouté, mais de se sentir seul. Pour certains, il n'y a donc aucun problème à s'isoler quelques jours, le contact à distance avec les autres pouvant être maintenu.


Il existe une grande catégorie de dépendants affectifs dont j'ai fait partie, qui croient et proclament même qu'ils n'ont besoin de personne. Cette dépendance étant plus masquée, il est encore plus difficile de la voir. Ce sont des personnes actives, meneuses, certainement pas déprimées, disponibles ,mais un "faux-bonheur" qui les ronge à petit peu et une grande dichotomie entre l'image affichée et la réalité vécue de l'intérieur.


Cette façon d'être et d'agir peut fonctionner durant des années, avec des situations qui se répètent, jusqu'à ce qu'une goutte d'eau fasse déborder le vase : une rupture, un burn-out, un deuil, ou au contraire une rencontre, une relation toxique.


La dépendance affective peut se retrouver partout


En couple ou dans le cadre familial, le dépendant affectif met au centre son conjoint, son parent, son frère, ou sa soeur, ses enfants. L'idée de vivre sans cette/ces personne.s lui est insupportable. La relation peut être décrite comme "fusionnelle", ce qui lui convient parfaitement puisqu'elle fuit inconsciemment la différenciation.

A noter : il peut être la personne idéale pour les égoïstes, les égocentriques, les personnes qui manquent d'empathie, froides émotionnellement, les pervers narcissiques, quels que soient les domaines de la vie.


Au travail, il peut sembler parfait car ne compte pas ses heures, répond aux demandes favorablement, accepte toutes les tâches, ne sait pas dire non. C'est le bon élève. Aussi, le risque de burn-out est élevé.


Avec les amis, le dépendant affectif s'assurera qu'ils ne l'oublient pas. Il est le premier à proposer des soirées et sorties pour maintenir la relation et peut chercher à "fusionner" avec un ou une "meilleure amie", et de manière générale, cherche l'exclusivité.


La dépendance affective n'obéit pas à la raison


Ce n'est pas une addiction, mais cette dépendance peut mener à des conduites addictives, afin d'apaiser une souffrance trop forte.


Pour en sortir, il ne suffit pas de se persuader qu'on s'aime, de s'octroyer des temps pour soi, de se faire plaisir, et lister des affirmations positives à propos de soi.


Un travail en profondeur est nécessaire afin que la personne dans sa chair, pose des limites, se sente en sécurité, vive la rencontre et tisse une nouvelle relation avec elle-même, aussi importante désormais qu'avec les autres.


Pour conclure


Nous pouvons longtemps être un dépendant affectif qui s'ignore. Cela ne concerne pas nécessairement tous les domaines de la vie. Pour certains, cela se concentre dans le couple, ou au travail... Pour d'autres, tous les domaines sont impactés, il n'y a pas de règles.


Dans la vie et dans mon métier, je travaille à réhabiliter l'amour de soi et l'expression de sa sensibilité, qui sont encore considérés comme du narcissisme ou de l'égoïsme. Il me tient à coeur de faire connaître ce trouble de la dépendance affective souvent ignoré et qui peut être à l'origine d'une grande souffrance, notamment chez les plus jeunes qui construisent leurs relations amoureuses, sociales et professionnelles.


C'est d'autant plus important qu'il est tout à fait possible d'en sortir.


Si cet article suscite des interrogations, crée des émotions, vous pouvez commencer à observer vos modes de fonctionnement dans votre quotidien. Sachez que vous êtes compris.e, entendu.e, que vous n'êtes pas seul.e et qu'il est possible de sortir de la dépendance affective tout en restant dans une interdépendance normale et vitale avec l'autre. Soyez rassuré.e.






Si vous avez des doutes, des interrogations ou toutes autres questions, n'hésitez pas à m'envoyer un mail, je serai ravie de vous renseigner : stephanie.deperne@gmail.com



Si vous souhaitez aller plus loin, je vous reçois en consultation à Rennes-Chantepie

25 rue du Bignon, ou en ligne via Zoom.














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